Biographie

" Autrui en tant qu'autrui, n'est pas seulement un alter ego, il est ce que moi je ne suis pas " Emmanuel Levinas

Confrontations, croissements, rencontres, surprises… Le voyage de Mugar continue avec gourmandise et clairvoyance. Gourmandise pour les rythmes qui embrasent les mélodies. Gourmandise pour ce festin d'instruments qui se sentent bien dans un même voyage.

Clairvoyance car, sous leurs très beaux accents, les musiciens du groupe ne sont pas dupes. La musique ne résoud pas tout. Mais faire vivre des musiques aux langues différentes oblige à se connaître et à se reconnaître.

À l'écoute de Mugar, on peut être perplexe. D'où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Leur musique se déroule, syncopée, belle, flatteuse. Parfois elle se fait grave, comme pour nous dire que les rencontres entre les peuples ne sont pas toujours faites dans l'allégresse. Puis le groove renaît, sourd lancinant. Alors résonnent tous les territoires de l'Afrique. Et quand le banjo se mêle de ces histoires de peuples, puis la flûte, le violon à d'autres instruments riches des épopées celtes. On comprend que les membres de Mugar ont une vraie préoccupation : se rencontrer, se comprendre, et écrire ensemble des pages de l'histoire de la musique des tribus qui forment l'humanité.

Cette recherche semble être la ligne que suivent les musiciens de Mugar, personnages aguerris à toutes les confrontations.

Au travers de compositions traditionnelles, de créations, de mixités limpides, chacun trouve sa place, amène sa culture, son lyrisme, sa force. Et soudain, sereinement, comme un vent du désert les voix viennent rappeler que la musique est fête mais que certains des porteurs de mélodies viennent de peuples pour qui, encore aujourd'hui, chaque jour se gagne durement. Malgré cette forme d'allégresse, les musiciens de Mugar ne sont pas que de doux rêveurs. Ils savent bien d'où il viennent. Et leur vie à chacun permet ces rencontres évidentes.
La bande peut sembler hétéroclite mais la cohésion est totale.
Les musiciens on compris une chose fondamentale : de l'écoute et de la compréhension de l'autre ne peut qu'apparaître le beau.

Philippe Krümm (pour la sortie de Penn ar Bled)

La terra incognita de Mugar

Prenez trois flûtistes : Youenn le Berre, Michel Sikiotakis, Nasredine Dalil, Des flûtistes du genre fureteurs, curieux, partageux. Le premier issu de "Gwendal", le second de "Taxi Mauve", le troisième sommité du milieu musical berbère. Des as de la flûte traversière, mais également des adeptes de la bombarde, de la cornemuse, du sax, du bendir, du karkabou... bref des oiseaux aux plumages chamarrés. Ajouter un combo de musique irlandaise, -"Broken String"- une combinaison de fiddles, flûtes irlandaises, biniou, bodhrán, tin-whistle, guitares. Ajouter une rasade de chant, épicer avec d'autres étrangetés du type ghaita ou t'bel et, à l'issue de ce "work in progress", vous avez une gourmandise acoustique qui invite à un voyage inédit. Car, avec Mugar (en référence au mot qui désigne un lieu de rencontre de caravanes dans le grand sud algérien) on est entraîné vers une contrée étrange, géographie hybride de paysages celtes et d'horizons berbères, terra incognita née du plaisir à retrouver les correspondances secrètes qui existent entre deux musiques enracinées dans des aires culturelles têtues. Ce mariage, que d'aucuns appelleront concept, pouvait accoucher d’un adroit collage comme la vogue des musiques du monde nous en proposent depuis quelques temps. Mais, rien de cela ici et, sans utiliser le terme trop galvaudé de métissage, reconnaissons que ce répertoire reflète la connivence et le plaisir qu'on des musiciens férus de partage populaire à jouer ensemble. Fondées sur des similitudes mélodiques berbero-celtes, les compositions pratiquent le cache-cache de la tradition et de la contemporanéité, le jeu de miroirs entre l'impro soliste et la démarche orchestrale. Et c'est avec une jubilation que notre équipage brouille les codes. Preuve par le vif de "l'effet" Mugar, ces concerts magiques à la Grande Halle de la Villette à Paris où de jeunes maghrébines dansaient dans le même mouvement un motif berbère puis un thème d'inspiration irlandaise pendant qu'un public celte était tout esbaudi de pouvoir partager un morceau de sa culture pour une fois bien au delà de l'arc atlantique.

Frank Tenaille (pour la sortie de Kabily-Touseg)